Nodule du trayeur : une virose cutanée réémergente ?

Introduction Les lesions nodulaires digitales inflammatoires sont un motif de consultation regulier. L’interrogatoire professionnel peut etre un element cle du diagnostic etiologique. Observation Une patiente de 49 ans etait adressee pour avis concernant l’origine professionnelle de lesions digitales. Elle presentait depuis deux semaines plusieurs lesions nodulaires de la main droite apparues successivement, d’aspect initialement inflammatoire, puis erythemato-squameux, suintant et enfin crouteux. Les lesions etaient douloureuses et prurigineuses. Sur le plan professionnel, cette patiente etait agent de service hospitalier a 80 %, les 20 % restant etant effectues dans une exploitation agricole familiale, avec activite d’elevage et de traite, pratiquee sans gants. Le diagnostic de « nodule du trayeur » etait evoque, puis confirme par la mise en evidence du pseudocowpoxvirus (PCPV) par PCR sur ecouvillonnage d’une lesion. Discussion Le nodule du trayeur est lie a un parapoxvirus bovin, le PCPV, appartenant a la famille des poxviridae, du groupe I des virus a ADN bicatenaires. L’inoculation se fait par contact cutane direct avec un pis de vache infecte, lorsque les procedures d’asepsie sont insuffisantes et/ou les equipements de protection individuelle non portes. Le diagnostic est clinique et anamnestique, mais peut etre complete par la mise en evidence du virus par PCR apres ecouvillonnage d’une lesion. Une biopsie cutanee peut egalement etre pratiquee. L’analyse histopathologique montre une hyperkeratose et une acanthose epidermique, associees a des vesicules multiloculaires, une degenerescence reticulaire et une ballonisation des keratinocytes des couches superieures de l’epiderme. On peut observer dans le derme un infiltrat inflammatoire constitue de cellules mononuclees et d’eosinophiles. Des inclusions eosinophiles et intracytoplasmiques sont assez specifiques mais elles ne sont pas presentes a tous les stades d’evolution des lesions. L’evolution est spontanement favorable en quelques semaines (environ six jours d’evolution pour chaque lesion), mais il convient de prevenir une impetiginisation des lesions. Il s’agit d’une maladie a caractere professionnelle, qui ne fait pas partie des tableaux de maladies professionnelles du regime agricole et donc ne peut pas beneficier d’une reconnaissance de maladie professionnelle. Conclusion Le nodule du trayeur est une maladie devenue rare en France compte tenu des protocoles d’asepsie systematique des pis de vaches, du port de gants de protection et de l’utilisation quasi-systematique des trayeuses electriques. Neanmoins, on assiste actuellement a une multiplication des petites exploitations agricoles ayant entre autres des activites d’elevage, ce qui pourrait aboutir a l’emergence d’un nombre de cas plus important de viroses a PCPV car la traite est alors souvent manuelle.